Avril : réunions… et élection

Mois d’élection présidentielle oblige, avril a été rythmé à la fois par des rencontres et des échanges intenses et passionnants au sein de la promo, à la hauteur des enjeux propres à ce scrutin-roi de la Vème République.

Pour le reste, encore une fois, les thèmes abordés au fil des semaines ont permis de couvrir un éventail particulièrement large des problématiques sociales ou sociétales du moment : le mardi 5 par exemple, le Directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes de la Caisse des Dépôts et Consignations, Laurent ZYLBERBEG (par ailleurs Président de l’Association européenne des investisseurs de long terme) et le Conseiller-maître honoraire à la Cour des Comptes Bernard ATTALI, co-auteur d’un rapport sur le sujet, étaient réunis pour aborder la question du paradoxe entre Investissement à long terme et Société de l’immédiat.

Le surlendemain, c’est une membre de la première promo Social Demain, Léa GRUJON, Directrice de l’association Possible, qui lançait aux membres de la troisième : Parlons de la prison ! Puis, le 12, l’avocate Thaima SAMMAN, fondatrice de l’European network for Women in leadership, s’est interrogée avec eux : Affaire publique, une affaire de langage ?

Le jeudi 14 au matin s’est ensuite tenue une nouvelle édition de Lecture au faubourg, cette fois autour du Directeur de recherches au CNRS et au CEVIPOF Luc ROUBAN, et de son essai Les raisons de la défiance (Presses de Sciences Po, 2022), dans lequel il analyse l’émergence d’un nouveau rapport au politique, « où la tentation autoritaire devient forte ; où la question de l’efficacité personnelle et catégorielle l’emporte sur le dessein collectif ; où domine l’idée que le système politique est perverti et mensonger, qu’il n’a rien à offrir de bon. »

Enfin, après avoir sérieusement envisagé de se retrouver pour assister ensemble au débat de l’entre-deux-tours opposant les deux candidats sortis des urnes le 10 avril, les membres de la promotion ont eux l’occasion de se retrouver le 21 avril au soir, à l’Université Paris-Dauphine. Le Master « Négociations & Relations sociales » y consacrait en effet une soirée à la présentation de l’étude « Les invisibles, une plongée dans la France du back office », menée par le Cabinet Occurrence pour la Fondation Travailler autrement et Temps commun : une étude portant donc sur 40% des actifs, qui livrent ou délivrent des biens et des services dont ils profitent assez peu…

Pour la suite, et en attendant le troisième atelier de la promo (qui se tiendra le 18 mai), les semaines à venir promettent encore leur lot de nouvelles rencontres, dont nous vous tiendrons informés… le mois prochain.

AFEV : « Aider à l’émergence de conceptions novatrices »

Christophe PARIS

L’Afev, association spécialisée depuis trente ans dans la création de liens solidaires entre campus universitaires et quartiers populaires, a tenu depuis la première promotion à participer au dispositif Social Demain. Son Directeur général, Christophe Paris, répond ici à nos questions. 

En quoi l’action de l’Afev et celle de Social Demain vous apparaissent-elles complémentaires ?

Historiquement, à l’Afev, notre idée de permettre à des étudiants d’intervenir individuellement, directement au domicile des enfants, a beaucoup heurté. Cela entrait en percussion avec ce qui se faisait auparavant. Or, comme nous estimions apporter un modèle complémentaire, nous ne comprenions pas bien ces réticences. Nous avons depuis lors la conviction que des pistes peuvent être tracées, des idées prendre corps qui, si elles semblent iconoclastes ou dérangeantes à l’origine, finissent par apparaître, dans le temps, comme des leviers réels d’action. En outre, nous sommes dans un monde qui bouge beaucoup, en transformation continue, qui nécessite de réinterroger en permanence nos approches d’un certain nombre de choses, d’être en capacité de pouvoir repérer à la fois les signaux faibles et ceux qui portent des conceptions novatrices. Il m’apparaît aussi nécessaire d’être en connexion avec ceux qui vont devoir inventer des méthodes, miser sur la composition et l’addition d’éléments jusqu’ici cloisonnés. Nous souhaitons pouvoir aider à l’émergence de ceux qui vont devoir se confronter à la complexité qui vient. C’est passionnant, et vital.

D’après votre expérience, dans quel sens les promotions successives évoluent-elles ?

Sur trois ans, on voit bien les grandes tendances : le numérique, l’écologie, le croisement entre l’économie et l’intérêt général… Mais l’élément qui m’a le plus marqué, c’est le fait que chaque promotion est plus impressionnante, en termes de CV, de composition, que la précédente. Toujours plus variée, et toujours plus au niveau (en matière de compétences, d’expertise, d’expériences). C’est comme quand on marche dans la montagne : chaque année, on a l’impression d’atteindre un sommet, avant de se rendre compte qu’il y a un autre sommet, derrière, plus élevé encore.

Quelle est, selon vous, LA question sociale du moment, et avez-vous le sentiment que les acteurs politiques (ou les candidats à la présidentielle) s’en sont emparés ou sont en passe de la faire ?

On sent bien que certains sujets n’existent pas vraiment dans l’espace politique, au moins en apparence : il faut fouiller un peu pour les dénicher. Mon obsession du moment, c’est la question de la parentalité. Dans les quartiers populaires, que nous connaissons bien à l’Afev, il y a 40% de familles monoparentales – soit, sans langue de bois, de femmes seules avec enfants, un mari ou un ex assez absent à la fois physiquement et financièrement. Ces femmes se débattent comme elles peuvent, doivent jongler avec des boulots souvent à horaires décalés, pas très bien payés. Et je ne suis pas sûr qu’on ait bien pris la mesure de ce que cela signifie dans l’évolution des politiques publiques. Créer des “Maisons” ne suffit pas (“Maison de la parentalité”, “Maison du numérique”… où ces femmes n’ont jamais le temps de se rendre). Au contraire, il faut “aller vers”, concevoir une vraie politique publique, forte, d’aide à la parentalité. Quand j’entends parler de familles démissionnaires, sur ces sujets, alors même que ce que font ces mères est exemplaire, j’estime que l’on cultive une contre-vérité. Ce n’est pas vraiment intégré par la classe politique, même si cela commence à bouger un peu.

Délégués de classe hier, social demain ?

Cette année encore, l’institut IFOP a demandé aux membres de la (troisième) promo de Social Demain qui, parmi eux, avait déjà occupé des fonctions de délégué de classe. Et à nouveau, une nette sur-représentation d’anciens délégués caractérise ce groupe particulier. Que faut-il y voir ?

Alors que, pour l’ensemble de la population française des 18-34 ans, la proportion de jeunes ayant exercé, au cours de leur formation secondaire, des fonctions de délégué de classe oscille autour d’un tiers, un constat se confirme d’année en année : plus de la moitié de chaque promo déclare avoir déjà endossé, au moins une fois, ce rôle par le passé. Ainsi, 58% d’entre eux ont répondu par l’affirmative à cette question en 2022, contre un score (particulièrement élevé) de 42% pour l’ensemble de leur génération. A titre de comparaison, ces chiffres s’établissaient à 63 et 37% il y a deux ans. Que faut-il déduire de cette 16 à 26 points supplémentaires ?

Sas démocratique

En 2022, on comptabilise 850 000 délégués de classe, en collèges ou lycées, pour 5,7 millions d’élèves du second degré selon les derniers chiffres de l’Education nationale – soit un pourcentage de 15% ayant choisi de représenter leurs camarades à l’occasion des conseils rythmant la vie scolaire. On le sait désormais, des déterminants forts peuvent motiver cette décision, voire jouer sur le fait de parvenir ou non à être élu à ce poste par sa classe : l’implication est d’autant plus forte que le niveau scolaire est élevé ; les filles s’avèrent légèrement plus engagées que les garçons…

En outre, les “élèves du fond de la classe” proposent plus rarement leur candidature et, quand c’est le cas, rien ne leur garantit de rassembler la majorité des suffrages. Ainsi, si les bons élèves acceptent plus souvent, de bon cœur, de se présenter pour remplir cette fonction, le “sérieux” constitue encore une condition nécessaire (mais non suffisante) pour rafler la mise. Car, il ne faut pas l’oublier, l’élection du délégué de classe constitue ni plus ni moins qu’une première expérience de vote pour les élèves – citoyens en devenir -, et donc, même de manière très sommaire, une forme de « sas démocratique ».

Un petit pas pour le collégien…

Parallèlement, cette première expérience d’engagement fournit à ceux qui décident de la vivre (et donc, au moins théoriquement, d’avoir l’occasion d’intervenir “à égalité” des adultes au cours des conseils de classe ou de discipline) l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences, complémentaires aux apprentissages scolaires. Soit, au moins, des embryons de ces “soft skills” ou “compétences extra-curriculaires” dont il est largement question aujourd’hui au sein de la sphère universitaire.

Or, depuis la naissance de Social Demain, on relève chez les membres de ses promotions – qu’ils soient cadres d’entreprise ou de la fonction publique, acteurs de l’ESS, syndicalistes ou chercheurs, indépendants et/ou engagés en politique – une corrélation nette entre les engagements passés et les engagements présents. Le fait d’avoir été délégué de classe durant sa scolarité, par exemple, semble ainsi prédisposer à un engagement social dans la vie adulte, constituer un préalable au désir de penser la question « soci(ét)ale » au sens large (ou de représenter ses pairs)… et donc au dépôt de sa candidature pour accéder à un tel dispositif.

Ainsi, en 2019, si 37% des 18-34 ans déclaraient avoir déjà été délégués, ce chiffre s’élevait à 52% pour ceux qui, au sein de cette génération, étaient membres d’une association… et jusqu’à 65% des cinquante lauréats de la première promotion. Ce dernier chiffre, qui avait un peu baissé avec la promotion suivante (54% contre 32% pour la génération entière), est remonté à 58% (contre 42%) cette année.

Ainsi, au-delà de ces oscillations, peut-être liées aussi à notre souhait de plus nettement diversifier les profils des « cinquante » au fil des années, le constat initial reste criant : les promos accueillent une nette surreprésentation d’anciens délégués. Simple coïncidence ? Pour toutes les raisons évoquées jusqu’ici, nous en doutons fortement.